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Ven, Avr

Torture
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Procès pénal N° 41-10-582
     
M. Vakhabdjanov est né à Och le 18 août 1976. D'origine ouzbek, il est citoyen kirghiz. Il possède et dirige une entreprise de réparations automobiles. Marié, il a trois enfants. Il n'a jamais été condamné auparavant. Comme nombre de personnes d'origine ouzbek au Kirghizstan, il a été victime des pogroms: sa maison a été incendiée, ses ateliers de réparation et sa voiture ont été détruits par  le feu. Ces pertes ont été dûment enregistrées par le service compétent du Fisc.
  
Chronologie
    
          — 20.06.2010: M. Vakhabdjanov est arrêté à Och par des policiers, qui l'accusent de 'Participation à émeute' en vertu de l'article 233 du Code pénal de la République kirghize §2 et de 'Tentative de meurtre' (art.28-97,§ 9,10,14).
          — 6.12.2010: Le juge du tribunal de la ville d'Och condamne M. Vakhabdjanov à 15 ans de réclusion dans un pénitencier de haute sécurité.
          — 1.02.2011  La Cour d'appel d'Och maintient la sentence.
          — 28.04.2011: La Cour suprême annule la sentence du Tribunal d'Och et celle de la Cour d'appel; elle renvoie l'affaire devant le Tribunal d'Och pour ré-examen.
          — 14.10.2011: Le juge du tribunal d'Och, T.Aïbatiev condamne Vakhabdjanov à 16 ans de détention. L'intéressé a fait appel.
    
Les circonstances 
    
Le 10 juin 2010 Mirzakhid Vakhabdjanov et son frère sont arrêtés par la police  car suspectés d'une tentative d'assassinat sur la personne d'un certain Joldoubaï Zoulpoukarov, à minuit, à proximité de l'hôpital régional pour enfants. Après confrontation avec la victime, des poursuites criminelles sont lancées contre M. Vakhabdjanov.
Aux dires de M.Vakhabdjanov, il apparaît que, vers 22h10, le 10 juin 2010, son épouse l'a réveillé. Elle lui dit avoir entendu des coups de feu et qu'une bande d'hommes armés descendent la rue Centrale, sur laquelle est situé leur logement.  Tous les habitants de ce quartier (mahalla) - y compris Vakhabdjanov et les siens - se mettent à fuir dans la direction du sovkhoz 'Kalinine' où ils demeureront terrés jusqu'au matin. Pour sa part, Vakhabdjanov avait réveillé une voisine, Mavlyouda Mamadalieva, qui a de jeunes enfants, et l'avait aidée à porter l'un d'eux. Puis il avait couru à la maison d'une autre voisine, infirme, Khidoyat Haïdarova, âgée de plus de 80 ans, et l'avait portée lui-même jusqu'au sovkhoz. Le matin suivant, revenant dans le quartier, Vakhabdjanov avait constaté  que toutes les maisons de la rue avaient été incendiées y compris la sienne. Il était alors revenu au sovkhoz où ses voisins se trouvaient encore. Il y était demeuré avec eux jusqu'au 16 juin 2010.
     
Recours à la torture
    
Pour obtenir de leur prisonnier l'aveu d'un meurtre qu'il n'avait pas commis, les policiers ont eu recours à des méthodes parfaitement illégales, lui portant des coups violents (plaies visibles sur  le cliché).
  
L'avocat de la défense l'a fait savoir au procureur général qui a ordonné au greffe du parquet de la ville d'Och de vérifier l'existence de ce recours à la torture. Le greffe connait déjà le nom de l'officier de police d'Och qui est l'auteur des sévices à l'origine de ces blessures. Pour l'heure, toutefois, il n'a pas comparu pour en répondre.
  
Déroulement du procès
    
A l'origine, c'est le juge du tribunal de la ville d'Och - A. Akyiev, qui était en charge de l'affaire.
  
Des observateurs représentant le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme ont assisté à l'audience ainsi qu'un correspondant de la radio 'Azattyk' et des membres des associations locales de défense des droits de l'homme - 'Rayon de Salomon' et le Centre pour les droits de l'homme - Advocacy.
  
Parmi les pièces au dossier, figuraient le Rapport d'expertise médico-légale N°1871 relatif à l'état de J. Zoulpoukarov. On y lit que, le 10 juin 2010, à minuit, aux environs de l'hôpital provincial pour enfants, un certain Zoulpoukarov avait été frappé par des inconnus et blessé. Il souffrait d'un traumatisme crânien, portait une ecchymose  à l'arcade  sourcilière gauche due à un coup porté par objet contondant, des meurtrissures avec épanchement de sang au cou ainsi qu'une plaie par objet perforant et coupant, dans la région fessière gauche.
  
A l'audience, la défense a produit un extrait du dossier médical de Zoulpoukarov, délivré en septembre 2010 par Ch. Zouparov, médecin au Service de neuro-chirurgie de l'Hôpital  de la ville.
  
Ce document n'indiquait pas la présence d'une plaie à la fesse par instrument piquant et tranchant. La défense avait produit aussi une copie de la fiche des Urgences, remplie par la doctoresse Rismatova, sur laquelle aucune blessure à la zone fessière ne figurait. Le tribunal s'est borné à écouter le témoignage de l'expert de médecine-légale. L'avocate de la défense, Tatiana Tomina, demandera par écrit au tribunal qu'il interroge le médecin Zouparov, le médecin des urgences Rismatova et l'expert médico-légal. Le tribunal passe outre, sans motiver son refus. La défense récuse alors oralement le juge mais la cour ne tient pas compte de cette mise en cause. Le juge ne tient pas non plus compte  des divergences entre les résultats figurant à l'expertise médico-légale et l'extrait du dossier médical produit. Il condamne Vakhabdjanov à 15 ans de réclusion.
 
Le tribunal de la province d'Och ayant rejeté le recours contre la sentence du tribunal de la ville, celle-ci demeure donc valide.
   
28.04.2011 : La Cour suprême  examine  le recours contre la décision  qui est déjà entrée en vigueur, prononce son annulation et renvoie l'affaire devant le Tribunal de la ville d'Och.
  
14.10.2011 - Fin de l'audience du Tribunal d'Och (juge T. Aïbatiev):
   
Le docteur Zouparov - médecin traitant, convoqué comme témoin devant la cour - déclara que lors de la rédaction du dossier médical, il avait commis une erreur 'mécanique' en omettant la présence d'une blessure à la région fessière gauche par objet perforant et coupant.  Le docteur remet alors au tribunal un exemplaire du dossier médical où avait été ajoutée la présence d'une blessure par contusion et arrachement. L'avocat de la défense demanda alors au juge que soit entendu le  personnel de l'ambulance qui avait conduit Zoulpoukarov à l'hôpital et qu'un deuxième expert de médecine légale soit désigné.    
   
En violation du Code de procédure pénale, ces demandes sont refusées et sans que la défense puisse faire appel du refus de nommer un second expert.
  
Vakhabdjanov est alors condamné à 16 ans de prison. Dans sa décision, la Cour suprême avait relevé la contradiction entre les constatations de l'expert médico-légal et l'extrait du dossier médical et ordonné de tirer la chose au clair. Au lieu de cela, le tribunal de la ville a allongé la durée de la peine. Après que cette sentence ait été prononcée, la défense découvrit que dans l'extrait du dossier médical le médecin avait écrit: «plaie par contusion et arrachement dans la région fessière, alors que dans le dossier médical lui-même on lisait: (...)  plaie par contusion,  avec ici et là  contusions et arrachements » La défense fit observer ces contradictions mais le tribunal est passé outre et n'a procédé à aucun examen objectif et complet de l'affaire.
  
La victime Zoulpoukarov a constamment varié dans ses déclarations. Lors de la confrontation, devant la cour en première et deuxième instance, il déclara que Vakhabdjanov s'était approché par devant, l'avait entouré de ses bras et donné un coup dans la fesse. Après que l'affaire ait été renvoyée au tribunal par la Cour suprême, il  changea de version, déclarant que Vakhabdjanov s'était approché par derrière, qu'il n'avait pas vu l'accusé mais qu'il s'était entendu appeler par son nom.  Il n'y avait aucun témoin de la rencontre. La décision de la cour repose donc uniquement sur les déclarations de Zoulpoukarov et sur les conclusions de l'expert de médecine légale. Les arguments de l'avocat de la défense n'ont pas été pris en compte.
  
L'Association  Droits de l'homme en Asie Centrale relève qu'il y a eu  violations du principe de procès équitable et approfondi dans le cas de Mirzakhid Vakhabdjanov:
       
• le tribunal n'a tenu aucun compte des preuves à décharge présentées par l'avocat de la défense;
• le tribunal a  refusé toutes les demandes écrites déposées par la défense;
• le tribunal n'a pas cherché à repérer les divergences entre les diverses pièces au dossier - à savoir les conclusions de l'expert médico-légal sur la nature des blessures de la victime, la fiche rédigée par le personnel des Urgences, l'extrait du dossier médical établi par l'hôpital de la ville;
• le tribunal n'a pas examiné l'affaire en profondeur, s'est refusé à repérer les documents truqués - modifications apportées au dossier médical  faites a posteriori, après que la Cour suprême ait renvoyé l'affaire devant le tribunal de la ville;
• le tribunal n'a tenu aucun compte du fait que Vakhabdjanov a subi des tortures visant à le faire avouer.
    
L'Association Droits de l'homme en Asie Central  demande instamment à toutes les personnes et organisation concernées et aux médias de mettre en exergue le cas de Mirzakhid Vakhabdjanov et d'oeuvrer pour qu'un examen approfondi et objectif de ce cas soit effectué et d'écrire en ce sens  aux instances étatiques du Kirgizstan dont l'adresse figure ci-dessous:
  
— au Président de la République du Kirghizstan:
M. le Pdt. Atambayev
Maison du Gouvernement 
72003 BICHKEK  
Kirghizstan.
Fax: +996312638565; Email: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.; http://www.president.kg/;
  
— au ministre des Affaires étrangères de la Rép. du Kighizstan:
M. Rouslan Aïtbaevitch
57, Bld. Erkindik 
720040   BICHKEK
Kirghizstan
Tel.: +996312620545; Fax : +996312660501; Email: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.;
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.; http://mfa.gov.kg;
   
— à la présidente actuelle de la Cour suprême du Kirghizstan:
Mme. Ferouz Djamacheva Zouloumbekovna
37, rue Orozbekova
720046  BICHKEK  
Kirghizstan
Tel. : +996312663318
 
— au Président du Tribunal régional à Och:
M.Tilebaliev Akynbek Kazybekovitch 
(accueil)
3, rue Mominova
Ville d'OCH 
Kirghizstan
Tél.: + 996312663318
  
— Procureur général de la République du Kirghizstan:
Mme.Salyanova Aïda Jenichbekovna
72, rue Orozobekova
720040 BICHKEK 
Kirghizstan
Fax.: +996312665411; Email: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.